Mettre en œuvre une politique de Qualité de Vie au Travail

09 juin, 2023

« Vaste sujet », « Dernière mode managériale », « Gros morceau », « Action pipeau » … voilà, comme ça, c’est écrit. On n’en parle plus.

Ou plutôt si, parlons-en de la « Qualité de Vie au Travail » !

La mise en œuvre d’une politique de Qualité de Vie au Travail est l’objectif 3.9 du référentiel HAS, qui comporte 3 critères :

  • L’ESSMS promeut une politique favorisant la qualité de vie au travail.
  • L’ESSMS favorise la qualité de l’environnement de travail des professionnels.
  • L'ESSMS organise des espaces de discussion et de partage pour les professionnels et des temps de soutien psychologique et/ou éthique.

Bon ok, et maintenant… on fait quoi ?
Et au fait… qu’est-ce qu’on entend par « Qualité de Vie au Travail » (ou QVT* pour les plus pressés) ?

On entend par « Qualité de Vie au Travail » la volonté de réfléchir son organisation en pensant à la fois aux conditions de travail et à la qualité de service rendue.
Autrement dit pour les ESSMS, la QVT a pour ambition de concilier :
  • La prévention des risques professionnels (dont les risques psychosociaux),
  • L'amélioration de la qualité des accompagnements,
  • Et la lutte contre la maltraitance, proue incontestée de la Loi 20022.


C'est pourquoi le Manuel HAS fait discrètement le lien entre Qualité de Vie au Travail et Réflexion Ethique (critère 3.9.3).
Cette dernière ayant pour enjeu de résoudre collectivement des dilemmes professionnels et/ou structurels au service de l'accompagnement personnalisé et bientraitant des personnes, mais aussi du bien-être des professionnels qui se questionnent quotidiennement sur le bien-fondé et la morale de leurs pratiques auprès des personnes fragiles et vulnérables.

Une fois cela posé… comment mettre en place une politique de Qualité de Vie au Travail ?
Comme je le dis toujours : « Nous savons d'autant mieux comment faire les choses, lorsque nous savons pourquoi nous les faisons » (vous pouvez me citer)
Donnons du sens avant de trouver des solutions 😉


Je vous propose donc trois « voies de la QVT » avec les solutions, guides et outils à votre disposition, ainsi que quelques conseils pour déployer votre chemin vers l’amélioration des conditions de travail, levier d’un meilleur accompagnement des personnes 😊



  Voie n°1 : Une politique QVT qui mobilise et qui apporte une grande réflexion  

Votre ambition et vision de la QVT : Vous souhaitez que votre politique QVT enclenche une démarche globale d'analyse des points forts et dysfonctionnements structurels de votre ESSMS, qui ont une incidence directe sur le travail et le quotidien des salariés et, par voie de conséquence, sur la qualité d'accompagnement des personnes

Votre outil : Le Guide Pratique du réseau Anact-Aract « Démarche qualité de vie au travail dans les établissements médico-sociaux » (mars 2021).

Complet et très outillé, ce guide permet de mener des réflexions de fond sur les six champs de la QVT
Composé de 24 fiches pratiques, le guide se découpe en 3 livrets : préparation, inspiration (d’autres établissements), réalisation (méthode et outils de déploiement).
Il impose un investissement certain mais permet d’instaurer une démarche QVT sur le long terme, qui offrira de nouvelles sources d’amélioration à votre démarche Qualité & Risques.
Et pour vous éviter de partir tous azimuts, le guide vous soumet quelques questions, dès sa fiche n°2, afin de vous assurer d’avoir le contexte favorable au déploiement de sa démarche : un engagement clair de la Direction, du CSE et des équipes, dans une vision commune ; du temps à consacrer à cette démarche (coordination, animation, secrétariat, pilotage d’actions) ; un dialogue et un climat social de bonne qualité, etc.


  Voie n°2 : Une politique QVT qui s'ouvre par l'analyse des risques psycho-sociaux  


Votre ambition et vision de la QVT : Vous souhaitez rapprocher votre politique QVT à l’analyse et la prévention des risques psychosociaux de vos équipes

Votre outil : Le guide et outil RPS-DU de l’INRS (mis à jour en 2022)
C’est le guide incontournable en matière d’évaluation des risques psychosociaux (RPS).
Basé sur les travaux menés en 2011 par un collège d'experts internationaux, ce guide analyse 26 facteurs de risques psychosociaux regroupés en 6 familles :

  • Intensité et complexité du travail,
  • Horaires de travail difficiles,
  • Exigences émotionnelles,
  • Faible autonomie au travail,
  • Rapports sociaux au travail dégradés,
  • Conflits de valeurs,
  • Insécurité de l'emploi et du travail.

Dans la lignée de votre Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels (DUERP), le guide vous invite à organiser des groupes de travail collectifs par unité de travail, afin d’échanger :

  • Sur les facteurs de risques psychosociaux inhérents au travail et à comment s’en protéger.
  • Sur les facteurs de risques psychosociaux inhérents à l’organisation et à l’environnement de travail et comment les réduire, voire les supprimer.

Tout l’enjeu de cette démarche QVT sera de faire la part des choses entre :
  • Les facteurs de risques contextuels, sur lesquels nous ne pouvons pas agir directement (par exemple : la confrontation des professionnels avec la souffrance d’autrui, inhérentes aux métiers du médicosocial) mais pour lesquels nous devons mettre en place des actions de protection (par exemple : des séances de thérapies individuelles facilement mobilisables, l’organisation de groupes de soutien psychologique, l’aménagement de temps de repos émotionnel…) ;
  • Les facteurs de risques organisationnels, sur lesquels nous pouvons agir directement (par exemple : le manque de conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle), en conduisant un changement des pratiques et en prévenant le risque psychosocial plutôt que d’accompagner ou compenser la souffrance qu’il génère (par exemple : aménagement des horaires, journées « 100% off » durant lesquelles le professionnel ne peut pas être rappelé…).



  Voie n°3 : Une politique QVT qui interroge la satisfaction des professionnels 

Votre ambition et vision de la QVT : Vous souhaitez interroger vos équipes sur les actions d’amélioration des conditions de travail déjà menées depuis quelques années et appeler à la proposition de nouvelles idées.

Votre outil : L’enquête de satisfaction des professionnels, sur inspiration du Guide de Mesure de la satisfaction au travail des professionnels de santé et médico-sociaux du CCECQA (janvier 2015).

C’est la solution la plus simple et la plus personnalisable. Moins chronophage, c’est une démarche que vous pouvez mener en interne, sans faire nécessairement appel à des experts de la QVT ou des RPS. De facto, c’est aussi celle qui va le moins loin dans l’analyse.
Pour autant, déployée de manière honnête, objective et régulière (chaque année ou tous les 2 ans par exemple), l’enquête de satisfaction peut s'avérer être un outil très performant d'évaluation de l’organisation en place et d'inspiration de nouvelles actions innovantes.

Votre enquête peut prendre la forme :
  • De questions avec un barème de satisfaction
Par exemple : « êtes-vous satisfaits de l'ambiance de travail avec vos collègues ? », « êtes-vous satisfaits du nouvel aménagement de la salle de pause ? »
  • Ou bien d’affirmations avec un barème de type « d’accord / pas d’accord »
Par exemple : « l'ambiance de travail est agréable et participe à la qualité de nos accompagnements », « le nouvel aménagement de la salle de pause correspond aux besoins que nous avions exprimés auprès de la direction »

Prenez-le temps de réfléchir à la rhétorique et à ce que vous voulez sincèrement évaluer : le confort des nouveaux sièges de bureau ? ou la cohérence des achats réalisés à la suite de l’analyse ergonomique des postes de travail ?
Important : soumettez la trame de votre enquête à votre CSE et/ou à une groupe de relecteurs composés de professionnels. C’est une co-construction incontournable.
Vous manquez d’inspirations pour vos questions ou affirmations ? Internet regorge d’idées, ici ou encore .


  BONUS : Et le Manuel HAS, au fait, il nous impose quoi ? 
Voici sous forme de check-list ce que vous devez justifier lors de votre évaluation (facile ! 😉)

  • Vous avez défini une politique de qualité de vie au travail (dans votre projet d’établissement ou de service par exemple).
  • Vous avez identifié votre stratégie pour favoriser la qualité de l’environnement de travail des professionnels et les actions nécessaires à sa mise en œuvre (dans le cadre d’un diagnostic QVT par exemple, ou d’une analyse des RPS, d’un groupe de travail ou d’un Copil avec compte-rendu, dans votre plan d’actions…).
  • Vous avez mis en place des actions et aménagements pour favoriser la qualité de l’environnement de travail, sur le plan physique, technique et organisationnel (de la nouvelle organisation sans coupure à la formation « gestion des conflits », de la procédure de remplacement à l’organisation de la journée inter-établissements, de l’acquisition de nouveaux PC performants aux choix de menus végétariens et/ou sans porc tous les jours...).
  • Vous avez communiqué sur les actions menées (dans des courriers, des notes de service, des réunions avec compte-rendu, de l’affichage…).
  • Vous organisez des espaces de discussion et de partage pour les professionnels à fréquence régulière (des groupes d’analyse de pratiques professionnelles avec compte-rendu par exemple).
  • Vous organisez des temps de soutien psychologique et/ou éthique pour les professionnels à fréquence régulière (groupe d’échange, temps de présence d’un psychologue extérieur, numéros d’appel…).


* Le terme QVT (Qualité de Vie au Travail) a évolué avec le temps pour devenir la QVCT (Qualité de Vie et des Conditions de Travail). Une révolution rhétorique qui tend à clarifier les enjeux et à limiter les anciens amalgames et raccourcis bullshit entre « Qualité de Vie au Travail » et « Plaisir du travail » ou « Bonheur au travail ».
Ce nouvel acronyme recentre le débat sur les conditions de travail. Ainsi, exit la tentation des années 2010 à déployer des actions « à côté du travail » (team-bulding, salle de sport, etc.) en fermant les yeux sur les situations de travail difficiles (semaine de 50h, conflits internes, manque de matériel et de formation, pénibilité…).
Citons l’Anact en 2017 : « Massage, sport, fruits et légumes, aménagement et décoration des bureaux peuvent présenter un intérêt mais ne permettent pas d’améliorer durablement les façons de travailler ni de donner du sens au travail ».


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